Quelle est, selon vous, l’oeuvre littéraire qui parle le mieux des femmes ? | Gallimard

Réponse partial

Madame Bovary pour sa modernité. L’auteur décrit si bien la femme qu’elle semble intemporelle. Le décor a certes changé mais pas les inspirations, pas les idéaux et la soif d’exister pour soi et non à travers l’homme. Quoi ses amants? Qui n’en a pas ou du moins qui n’en a pas eu l’intime pensée?

[Commentaire de Antonio Giuseppe Satta]

Retirado do Facebook | Mural de Gallimard

Ci-dessous, Virginia Woolf (1882-1941) photographiée par George Charles Beresford en 1902.

wolf

La Souveraineté du People | Guillaume Erner | Gallimard

gallimard01 - 200[Le Débat]

La souveraineté du people – Guillaume Erner. La meilleure façon de saisir une société, c’est de comprendre ses obsessions. La nôtre est obsédée par la célébrité.

Ce livre cherche à comprendre pourquoi, et comment, la notoriété est devenue un objectif suprême. À cet égard, il s’est produit plus qu’une évolution : une révolution. Comment le narcissisme a-t-il pu ainsi triompher de l’humilité? Certes, jadis, la gloire était encensée. Mais la célébrité n’est pas la gloire, les people ne sont pas des héros. Tenter de saisir cette rupture, c’est saisir la nature de notre époque.
Pourquoi les people suscitent-ils autant d’attrait? Leur présence dépasse aujourd’hui de loin la presse spécialisée. Ils ont envahi Internet, et même les journaux les plus sérieux se penchent aujourd’hui sur leur sort. Alors que les people ne sont célèbres que pour leur célébrité, l’attention dont ils bénéficient ne cesse de croître. Cet essai vise à comprendre un tel paradoxe. Pour ce faire, il convoque un univers bien éloigné de celui de Nabilla et de Justin Bieber : celui des sociologues qui, de Weber à Simmel, se sont attachés à expliquer la modernité. Car les people constituent le parfait résumé de notre époque. Comprendre le rôle qu’ils jouent auprès de nos contemporains permet de mieux comprendre notre société. Ce nouveau culte de la célébrité pour elle-même révèle la condition des anonymes, depuis l’individualisme contemporain jusqu’au consumérisme. À travers le people, c’est le peuple qui est éclairé.

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EXPULSIONS | Brutalité et complexité dans l’économie globale

expulsions[NRF Essais] « Expulsions. Brutalité et complexité dans l’économie globale » – Saskia Sassen. Saisies, exclusions, expulsions, gaz à effet de serre, nappes phréatiques asséchées… : la violence désormais ordinaire du capitalisme à son stade global.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Guglielmina.

Expulsions? Entre autres exemples, ce sont neuf millions de familles américaines chassées de leur foyer par la saisie de leur maison suite à la transformation de leur crédit d’accession à la propriété en produits financiers à haut risque ; ces millions d’Européens ou d’Américains du Sud exclus de leur travail suite aux plans d’austérité imposés par des institutions internationales ; ces millions d’éleveurs ou de cultivateurs expulsés de leurs terres parce que leur État les a vendues à un autre afin que celui-ci puisse développer les productions nécessaires à l’alimentation de ses classes moyennes ; ce sont ces gaz à effet de serre que les puissances industrielles et productivistes libèrent à chaque instant ou bien encore ces nappes phréatiques asséchées par les procédés ravageurs d’extraction du gaz de schiste.
Nombre de spécialistes, aveuglés par la complexité, verront dans cette énumération des mots en laisse. Faisant fi des frontières comme de nos catégories impuissantes désormais à penser le monde que nous faisons (Nord contre Sud ; riches contre pauvres ; mauvais usage de la technologie ou pathologies dérivées de la financiarisation affolée de l’économie, etc.), Saskia Sassen montre que derrière cette apparente diversité s’opère une terrible convergence : la violence désormais ordinaire du capitalisme à son stade global s’explique par un modèle, un concept – celui d’expulsion.
C’est ainsi qu’il convient de nommer la logique qui préside à l’économie globalisée.

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Don Quichotte de la Manche | Cervantès | Bibliothèque de la Pléiade | Gallimard

cervantèsIdée cadeau n° 6 : « Don Quichotte de la Manche » de Cervantès, dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade. Pour découvrir ou redécouvrir un incontournable grand classique de la littérature espagnole !

Édition et traduction de l’espagnol par Claude Allaigre, Jean Canavaggio et Michel Moner. Préface de Jean Canavaggio.

Don Quichotte lui-même, au seuil de la «Seconde partie» (1615), n’en croit pas ses oreilles : «Il est donc vrai qu’il y a une histoire sur moi?» C’est vrai, lui répond le bachelier Samson Carrasco, et cette histoire – la «Première partie» du Quichotte, publiée dix ans plus tôt –, «les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent et les vieillards la célèbrent». Bref, en une décennie, le roman de Cervantès est devenu l’objet de son propre récit et commence à envahir le monde réel. Aperçoit-on un cheval trop maigre? Rossinante!
Quatre cents ans plus tard, cela reste vrai. Rossinante et Dulcinée ont pris place dans la langue française, qui leur a ôté leur majuscule. L’ingénieux hidalgo qui fut le cavalier de l’une et le chevalier de l’autre est un membre éminent du club des personnages de fiction ayant échappé à leur créateur, à leur livre et à leur temps, pour jouir à jamais d’une notoriété propre et universelle. Mais non figée : chaque époque réinvente Don Quichotte.
Au XVIIe siècle, le roman est surtout perçu comme le parcours burlesque d’un héros comique. En 1720, une Lettre persane y découvre l’indice de la décadence espagnole. L’Espagne des Lumières se défend. Cervantès devient bientôt l’écrivain par excellence du pays, comme le sont chez eux Dante, Shakespeare et Goethe. Dans ce qui leur apparaît comme une odyssée symbolique, A.W. Schlegel voit la lutte de la prose (Sancho) et de la poésie (Quichotte), et Schelling celle du réel et de l’idéal. Flaubert – dont l’Emma Bovary sera qualifiée de Quichotte en jupons par Ortega y Gasset – déclare : c’est «le livre que je savais par cœur avant de savoir lire». Ce livre, Dostoïevski le salue comme le plus grand et le plus triste de tous. Nietzsche trouve bien amères les avanies subies par le héros. Kafka, fasciné, écrit «la vérité sur Sancho Pança». Au moment où Freud l’évoque dans Le Mot d’esprit, le roman est trois fois centenaire, et les érudits continuent de s’interroger sur ce qu’a voulu y «mettre» Cervantès. «Ce qui est vivant, c’est ce que j’y découvre, que Cervantès l’y ait mis ou non», leur répond Unamuno. Puis vient Borges, avec «Pierre Ménard, auteur du Quichotte» : l’identité de l’œuvre, à quoi tient-elle donc? à la lecture que l’on en fait?
Il est un peu tôt pour dire quelles lectures fera le XXIe siècle de Don Quichotte. Jamais trop tôt, en revanche, pour éprouver la puissance contagieuse de la littérature. Don Quichotte a fait cette expérience à ses dépens. N’ayant pas lu Foucault, il croyait que les livres disaient vrai, que les mots et les choses devaient se ressembler. Nous n’avons plus cette illusion. Mais nous en avons d’autres, et ce sont elles, peut-être – nos moulins à vent à nous –, qui continuent à faire des aventures de l’ingénieux hidalgo une expérience de lecture véritablement inoubliable.