KATEB YACINE | 929-1989 | Dictionnaire amoureux de l’Algérie | Malek Chebel

Kateb - 200Il est le seul algérien à s’être constitué un nom qui demeure indissociable de la culture de son pays, un patronyme que nul ne peut ignorer car, que l’on dise Kateb, ou Yacine, et à fortiori Kateb Yacine, chacun sait de qui on parle.

Son livre le plus célèbre, est un livre testament, dont le titre emblématique est Nejma ,parut au seuil en 1956. C’est un livre différent de ses autres ouvrages, à la foi en raison de sa structure complexe, en miroir, de ses fulgurances et de sa progression décalée. Livre utérin par excellence, livre de pensées complexes et de projection collectives livre d’encre et de sang. Nejma, dont le nom renvoie à une éventuelle cousine, ne cessera d’interroger l’Algérie à laquelle il s’identifie par le genre et dont il transposera le projet existentiel au plan de l’esthétique romanesque.
Dans ce capharnaüm du lendemain de la seconde guerre mondial, là bas, dans la colonie encore docile, Kateb sera durement affecté par les émeutes du 8 mai 1945, à Sétif, là même où la révolution algérienne allait prendre son envol.
D’un côté, la joie des indigènes apprenant la libération de la France valait adhésion explicite : de l’autre les tirailleurs rentrés au Bled commirent un pêcher de lèse-majesté en réclamant avec véhémence que l’on tint au plus haut niveau de l’Etat, les promesses faites au moment où on les enrolait en vue de sauver la patrie menacée par les allemands.

La question était clairement celle de l’autonomie, à laquelle les indigènes croyaient sincèrement avoir droit du fait de leur engagement sincère, de leur bravoure sur le champ de bataille, et surtout de leurs centaines de morts – leurs frères – abandonnés dans des fosses communes. On refusait à « ces enfants de la Patrie » un jour de gloire qui ne s’était levé que pour quelques uns.
Mais les soldats stationnés en Algérie, excités par quelques colons, des activistes aveuglés par l’autoritarisme dont ils faisaient preuve depuis un siècle, ne se firent pas prier pour mâter sévèrement les fauteurs de troubles, au point de mettre à sac tout le Constantinois. C’est à partir de 1950, que le jeune Kateb Yacine, déjà très politisé, s’engage dans des projets littéraires très différents : journalisme, roman, théâtre, agitprop, internationalisme, tiers- mondisme, Il en sera un peu le fer de lance, et l’un des plus éminents propagateurs.

Ses pièces de théâtre notamment, porteront la marque de son engagement, exprimeront sa râge de ne pouvoir « conscientiser » plus qu’il ne le faisait déjà. Du cadavre encerclé , créé dans les années 1986 /1957 et mit en scène à Bruxelle et à Paris, à Mohamed prend ta valise, dans les année 1970, une pièce en langue vernaculaire qui traite essentiellement de la condition immigré, en passant par, Les ancêtres redoublent de férocité (1967) Kateb Yacine aura fait le tour de la plupart des thématiques sociétales et politiques du moment.

Dix ans avant sa mort Kateb fera de l’Amazighité, et de la langue populaire algérienne un autre cheval de bataille, mais que nul n’enfourchera plus après sa mort. L’heure il faut le dire, n’était plus aux controverses linguistique entre le local et le national, mais à la survie même des peuples assujétis au despotisme local :
« L’Algérie arabo-islamique, c’est une Algérie contre elle-même, une Algérie étrangère à elle-même. C’est une Algérie imposée par les armes parce que l’Islam ne se fait pas avec des bonbons et des roses. Il se fait dans les larmes et dans le sang. Il se fait par l’écrasement, par la violence, par le mépris, par la haine, par les pires abjections, que puisse supporter un peuple. »(Revue Awal, Alger 1987.
En raison de son positionnement politique et de sa nature rebelle, le refuznik , Kateb Yacine , communiste, athée, anticlérical (il a pourtant fait le pèlerinage à la Mecque, dont il fit le récit dans Alger Républicain, dès 1949, et libérateur des opprimés devant l’Eternel, est mort sans avoir reçu les hommages des deux nations qu’il servit le mieux, l’Algérie –sa chair , et la France – sa matrice auxquel son talent lui donnait droit. Certes, il a bien reçu le Grand Prix National des lettres en 1986, mais c’était un prix de rattrapage, alors même qu’il aurait pu, obtenir le Goncourt, voir le Nobel de la littérature.

Dictionnaire amoureux de l’Algérie.
Malek Chebel

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