Esprits révoltés : Frantz Fanon et Édouard Glissant | in France Culture

Frantz Fanon en 1960 (à gauche) et Édouard Glissant en 1958 (à droite)• Crédits : UPI / INTERCONTINENTALE – AFP

Regards croisés sur la trajectoire, l’engagement et la lutte de deux penseurs de la décolonisation, Frantz Fanon et Édouard Glissant.

Esprits révoltés ! En 1961, Frantz Fanon fait paraître Les Damnés de la terre, aux Éditions François Maspero, avec une préface de Jean-Paul Sartre. Dès les premières mots, nous sommes saisis : “Libération nationale, renaissance nationale, restitution de la nation au peuple, Commonwealth, quelles que soient les rubriques utilisées ou les formules nouvelles introduites, la décolonisation est toujours un phénomène violent.” Les Damnés de la terre, quel ouvrage ! Frantz Fanon meurt peu de temps après la parution. A-t-il imaginé combien son ouvrage allait inspirer, par-delà sa mort, tant de générations ?

Frantz Fanon, penseur de la libération

Né en 1925 à Fort-de-France et mort en 1961 à Washington à l’âge de trente-six ans, Frantz Fanon fut un symbole de la lutte contre le racisme et la colonisation. De son engagement en Martinique comme résistant pendant la Seconde Guerre mondiale à son travail de médecin-psychiatre dans l’hôpital de Blida en Algérie en 1953, Frantz Fanon fait l’expérience d’une société régie par les rapports de domination. 

Il pose la question du corps soumis par la colonialité et met en avant le lien entre aliénation mentale et aliénation coloniale. La guerre pour l’indépendance de l’Algérie devient un des marqueurs fondamentaux de sa lutte. Frantz Fanon s’engage au sein du FLN et ne cesse de s’interroger sur la riposte armée comme réponse à l’oppression. Mathieu Glissant, co-réalisateur avec Audrey Maurion du documentaire Frantz Fanon, trajectoire d’un révolté, spécifie la pensée de Fanon, tournée vers l’avenir : “Il se méfie de ceux qui veulent changer une société en fonction d’un passé, d’une tradition, d’un héritage rigide. Lui, il pense que c’est à l’homme de constamment de se réinventer.

Le rêve d’une société post-coloniale et post-raciale

Les écrits de Frantz Fanon, reconnus aux États-Unis comme incontournables et notamment lus par les Black Panthers, ont été cependant longtemps peu mis en valeur en France, alors que Frantz Fanon incarne une pensée fondamentale de la décolonisation et des études post-coloniales

Nicolas Bancel, historien et professeur à l’Université de Lausanne, montre l’apport spécifique de la réflexion de Frantz Fanon : “C’est l’un des premiers à avoir sondé les aspects et les conséquences psychiques de la colonisation. Il va au-delà de la vulgate anticolonialiste classique […] qui s’indigne de l’exploitation économique, de la spoliation des terres, de la violence coloniale, du caractère autoritaire et coercitif de la colonisation. Lui, il explore ce que ça veut dire pour les êtres qui sont colonisés, à qui on explique que leur culture, leur mode de représentation, leurs croyances, tout ça est nul et non avenu et que la seule voie possible est celle d’une adhésion à l’Europe.

Quant à Édouard Glissant, né en 1928 à Sainte-Marie en Martinique et mort en 2011 à Paris, il a travaillé dans sa réflexion des concepts nichés dans un vocabulaire précis : “J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre. (…) Ma proposition est qu’aujourd’hui le monde entier s’archipélise et se créolise“. Trop jeune pour avoir participé à la guerre comme Frantz Fanon, il partageait avec lui la réflexion sur le monde moderne marqué par le colonialisme et l’émergence d’un homme à réinventer.  

Aux côtés de nos invités Mathieu Glissant, co-réalisateur avec Audrey Maurion du film documentaire Frantz Fanon, trajectoire d’un révolté, et Nicolas Bancel, historien et professeur à l’université de Lausanne, nous tâcherons de voir comment se lient la pensée de deux esprits révoltés, Frantz Fanon et Édouard Glissant

Intervenants

Mathieu Glissant est auteur, scénariste et réalisateur. Il a travaillé de nombreuses fois sur le monde antillais (Napoléon et la Mémoire Antillaise, documentaire, RMN-GP & Fondation pour la mémoire de l’esclavage ; Brûlé Neige, court métrage de fiction aidé par le CNC et la Région Martinique ; La Créolisation du monde, documentaire de la collection Empreintes de France 5). Il a co-réalisé avec Audrey Maurion le documentaire Frantz Fanon, trajectoire d’un révolté.

Nicolas Bancel est historien, professeur ordinaire à l’Université de Lausanne. Codirecteur du Groupe de recherche Achac, il est spécialiste du fait colonial, des questions postcoloniales et de l’histoire des activités physiques. Il a publié notamment Décolonisations françaises : la chute d’un empire : 1943-1977 (avec Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, éditions La Martinière, 2020) et Le Postcolonialisme (Que sais-je ?, 2019).

Références sonores

  • Extraits du documentaire Frantz Fanon, trajectoire d’un révolté de Mathieu Glissant et Audrey Maurion, avec Patrick Chamoiseau et des textes de Frantz Fanon lus par Alex Descas
  • Musique “Créature râtée” par Casey – Album : Libérez la bête, 2010 
  • Archive de Frantz Fanon qui s’exprimait en 1956 à la Sorbonne lors du “Congrès international des écrivains et artistes noirs”, archive diffusée dans l’émission Hors Champs – France Culture, 2013

https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-l-histoire/esprits-revoltes-frantz-fanon-et-edouard-glissant?fbclid=IwAR3G4t8-U8c3Uxel1ExiBo2y1c26QUmwIHfatSRcCuOAXvlzv3Y1IxeRbGc

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