Lettre d’Egon Schiele à Anton Peschka

egonL’œuvre de l’artiste autrichien Egon Schiele (1890-1918) constitue une véritable ode au mouvement, à la chair, à l’érotisme et à la nature. Si l’on connaît de lui de nombreuses toiles et dessins, ses poèmes et lettres restent plus confidentiels. Dans ce billet qu’il adresse à son ami le peintre Anton Peschka, cet « éternel enfant » témoigne d’une admiration sans cesse renouvelée pour toutes les beautés que le monde est en mesure de prodiguer.

1910

(Vienne)

Peschka ! […] Je brûle d’envie d’aller dans la forêt de Bohême. Mai, juin, juillet, août, septembre : il faut absolument que je voie quelque chose de nouveau, que je l’explore ; je veux déguster les eaux sombres, voir craquer des arbres, des airs sauvages, regarder ébahi des haies de jardin pourrissantes, y surprendre le foisonnement de la vie, entendre bruire les bouquets de bouleaux, frémir les feuilles ; je veux voir la lumière, le soleil, et savourer les humides vallées du soir au vert bleuissant, épier l’éclat fugace des poissons dorés, voir se former les blancs nuages, je voudrais parler aux fleurs. Scruter l’intimité des brins d’herbe, des hommes au teint rose, parler de dignes vieilles églises, de petites chapelles, je veux parcourir sans trêve des collines verdoyantes, parmi de vastes plaines, je veux baiser la terre, humer les tendres, chaudes fleurs des mousses. Alors je donnerai forme à de belles choses : des champs de couleurs…

Au petit matin, je voudrais revoir le soleil se lever, être libre de regarder la terre respirer, dans la lumière vibrante.

Continuar a ler